APULÉE (125-180) 
Écrivain et philosophe néo-platonicien du IIe siècle, Apulée est surtout connu comme l’auteur d’un roman philosophique intitulé L’Âne d’or ou Métamorphoses .

Le personnage
Apulée était africain. Il naquit à Madaure en Numidie. Il a écrit un des plus grands romans du monde : les onze livres des Métamorphoses connu aussi sous le titre de l’Âne d’or. Titre donné par Augustin un autre africain, Carthaginois. Dans la Cité de Dieu Augustin l’appelle le «philosophe platonicien de Madaure. La Numidie se trouve en Afrique du nord. Le cœur du pays numide est l’actuelle région de Constantine, les hautes plaines qui s’étendent entre l’Aurès au sud, le Hodna et la Petite Kabylie au nord de l’Algérie. Cependant, on considère aussi comme numides les tribus berbères de l’actuelle Tunisie. Les Numides peuplaient donc la partie orientale du Maghreb et se distinguaient des Maures de la partie occidentale et des Gétules des confins sahariens. Né à Madaure, Apulée se dit «demi-Numide et demi-Gétule»; il appartient à cette Afrique qu’illustreront quelques dizaines d’années plus tard des écrivains chrétiens comme Tertullien.
Dans l’Apologia, Apulée nous renseigne sur sa biographie. Son père lui a laissé une fortune dont il s’est servi pour voyager, s’instruire, aider ses amis. Vivant à Carthage, visitant Athènes, Samos, Rome, etc., il a une curiosité insatiable de pays et de connaissances. Qu’il ait étudié l’éloquence, Les Florides et l’Apologia en portent brillamment témoignage; qu’il soit devenu «philosophe platonicien», il le répète mille fois dans l’Apologia ,avec une conviction passionnée, sans compter que deux au moins de ses traités (De Platone et eius dogmate ; De deo Socratis ) le confirment catégoriquement. Ajoutons qu’il a écrit des vers, qu’il a étudié les sciences naturelles, qu’il s’est fait initier à un grand nombre de cultes à mystères (Liber, Esculape, Isis...). Enfin, lors d’un voyage, malade, il s’arrête à Oea (Tripoli), où l’un de ses anciens condisciples lui fait rencontrer sa mère Pudentilla; il épouse celle-ci.

Le Procès
En 158, Sicinius Emilianus, frère du premier mari de Pudentilla, profitant de la tournée africaine du proconsul Claudius Maximus, accusa Apulée de sorcellerie augmentée de captation d’héritage, au nom de son neveu Sicinus Pudens. L’acte d’accusation fut rédigé par l’avocat Tanonuis qui tenta de prouver que le philosophe était un mage qui avait jeté un sort à Pudentilla. Des esclaves témoignèrent qu’ils l’avaient vu adorer des statuettes obscènes dissimulées sous un mouchoir, qu’il aimait les miroirs et qu’il hypnotisait les petits garçons. Apulée écrivit son Apologia pour sa défense et la présenta devant le proconsul à Sabrata. Il produisit aussi une lettre de son épouse et prouva que loin d’hypnotiser les petits esclaves, il préparait une poudre dentifrice. Clauduis Maximus l’innocenta. Mais ce procès changea sa vie. Il quitta Oea sur les côtes de la Lybie où il possédait une belle maison et s’installa à Carthage avec sa femme. Il eut un fils avec Pudentilla qu’il appela Faustinus. Ce premier procès en 
sorcellerie fut l’origine du mythe de Faust.

L’Apologia
La première partie de l’Apologia constitue une source biographique. La seconde partie du discours est directement consacrée à l’accusation de magie. Elle nous donne une idée du talent d’Apulée. Pour répondre à ses adversaires, celui-ci emploie un curieux système de défense semi-indirecte. Insistant d’abord sur des griefs accessoires, il joue de l’ironie: «Être beau et savoir parler! graves accusations que je voudrais bien mériter!» Mais surtout, il se justifie en profondeur au lieu de limiter le débat. Apulée définit la magie comme un «art agréable aux dieux immortels» et, si c’est autre chose, se félicite d’être accusé parmi tant d’autres philosophes incompris; puis il passe en revue une série de faits litigieux (achat de poissons, chute d’un enfant, examen d’une femme épileptique, possession d’un talisman ou d’une statuette de Mercure). Et lorsqu’on en arrive à l’épisode du mariage, tout tourne autour d’une lettre de Pudentilla que les adversaires ont tronquée pour en faire une preuve à charge. 
La véhémence ironique d’Apulée, l’entrain pittoresque de ses récits familiers, l’organisation concertée mais pleine d’élan du discours font qu’il se tire d’affaire. On retient quelques formules ironiques ou incisives: «Un enfant est tombé; un enfant a vu; est-ce aussi un enfant qui a fait les incantations?» Il reste qu’à la question de savoir si ce maître d’éloquence, si ce philosophe enthousiaste a pour le moins flirté avec la magie, on est tenté de répondre oui.

Les «Métamorphoses»
Les sources de ce roman original - même s’il relève comme le roman grec contemporain ou postérieur autant de l’épopée que de la comédie – font l’objet d’une controverse. Il nous reste une page de Photius sur un certain Lucius de Patrae dont l’Âne aurait été transcrit par Lucien. La critique est amenée à supposer l’existence d’un modèle grec commun à celui-ci et à Apulée. Le sujet des Métamorphoses d’Apulée est vraisemblablement repris du roman grec de Loukois . C’est celui d’un homme que le désir transforme en animal et qui veut redevenir Humain. Lucius, le héros des Métamorphoses – roman qu’Apulée dénomme «causerie milésienne» – se trouve changé en âne grâce aux artifices magiques que son amie Photis a empruntés à la magicienne Pamphilé dont elle est la servante. Certes le «charme» comportait un antidote; il suffisait de manger des roses pour redevenir homme. Mais Lucius est malencontreusement enlevé par des brigands qui tiennent l’âne à l’écart des roses; il est ainsi mêlé, en acteur ou en auditeur, à 
mille et une aventures dont Apulée lui fait raconter les péripéties avec une verve pittoresque et variée. À la fin des onze livres du récit, une initiation aux mystères de la déesse Isis permet à Lucius de reprendre sa forme humaine.
Tandis que Lucius s’adapte péniblement à sa vie d’animal, et passe des mains des brigands dans celles d’un jardinier, d’un soldat, d’un pâtissier, etc., les histoires les plus diverses s’organisent en un ensemble véhément et bigarré.

Après le récit de la transformation et de l’enlèvement du héros, le roman comporte, au fil d’un long voyage, des histoires de brigands (vol chez Chryseros à Thèbes, chez Démocharès à Platée), des contes galants comme l’épisode de la femme du meunier, et des cas de crimes monstrueux comme celui de la belle-mère empoisonneuse. Tout cela est mis en valeur par un art de conteur disert et habile, par la fantaisie bien adaptée du ton, et par une langue pittoresque et poétique dans laquelle les archaïsmes s’insèrent harmonieusement.
Au milieu de cette abondance élégante et mouvementée, quelques épisodes – propres au récit d’Apulée, ou fortement transformés par lui – méritent un intérêt plus approfondi. Apulée a sans doute ajouté à son modèle la fable des amours d’Éros et de Psyché (Métamorphoses , IV, 28 - VI, 24). On y trouve des éléments de conte populaire et mythologique: c’est une vieille qui parle; la jeune Psyché est exposée à un monstre en punition de sa beauté exceptionnelle. Mais Éros intervient, tombe amoureux et emmène Psyché dans un palais enchanté où il la comble de bonheur sans que toutefois elle ait le droit de voir de ses yeux son fabuleux époux. Quand elle obtient une entrevue avec ses sœurs jalouses, celles-ci la poussent à tuer le monstre; armée d’un poignard et d’une lampe, Psyché se penche sur Éros; de stupeur, elle laisse tomber une goutte d’huile bouillante sur l’épaule du dieu. Celui-ci la chasse. Pour retrouver Éros, Psyché doit subir une série d’épreuves dictées par Vénus, parmi lesquelles une descente aux 
Enfers; et finalement elle épouse Éros, de qui elle a une fille du nom de Volupté. Est-ce un simple conte? Les noms, Amour et Âme, sont symboliques. Sans passer en revue toutes les hypothèses, retenons qu’il s’agit sans doute d’une «odyssée» platonicienne de l’âme.